A de pareils instants, ce qui naturellement me venait à l'esprit remontait à mes années de collège : c'était l'image de ces quelques autoportraits qualifiés de fantomatiques par Takeichi. De grandes oeuvres disparues. Elles s'étaient perdues lors de mes déménagements successifs, mais j'ai le sentiment que c'étaient sans aucun doute des réalisations d'une grande qualité. Et même si par la suite je me suis risqué à toutes sortes de tentatives artistiques, ce que je faisais était loin, bien loin de valoir les chefs-d'oeuvre restés dans ma mémoire : j'ai toujours eu l'impression d'avoir le coeur vide, tant me torturait une lancinante sensation de perte.
Un restant d'absinthe...
C'est ainsi que, dans le fond de mon coeur, prit forme le sentiment d'une perte définitive. Quand on parlait de peinture, je croyais voir devant mes yeux clignoter les reflets de ce restant d'absinthe, et je me tortillais, tenaillé par l'impatience de montrer ces oeuvres à cette femme, afin de faire reconnaître mon talent.
Dazai Osamu, Déchéance d'un homme, Les Belles lettres, 2024. (traduction et présentation par Didier Chiche)
Dazai Osamu (1909-1948)
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