mardi 2 octobre 2012

absinthe. page 112. La solitude du manager

Le détective détermine au flair ceux qui peuvent être des flics en civil. Entre ces derniers et tous ceux d'entre nous qui portent un flic en eux, qui n'est pas de la police ici ? Deux pédés débutants se caressent sous un miroir moderniste qui réfléchit la tendresse de leur nuque. Dix-sept filles, déguisées en fugueuses fumeuses de H, arrivent tout droit de chez elles et commandent au garçon de l'eau d'Evian. Les deux cent trente clients de l'Opéra se donnent en spectacle sur leur île en cinémascope, au-dehors des passants timides badauds ou dragueurs les regardent. Les garçons se frayent un passage parmi les autochtones, tels des serpents blancs et noirs, ils portent sur leurs mains aimantées des plateaux en laiton, jadis rongés par l'absinthe qui présidait aux folles nuits de ces messieurs et de leurs maîtresses vêtues de moire.

Manuel Vazquez Montalban, La solitude du manager, 10-18, 1988. 
(traduction et préface par Michèle Gazier)



Manuel Vázquez Montalbán (1939-2003)


La solitude du manager est la troisième apparition de Pepe Carvalho, détective privé à Barcelone, gastronome, assisté de Biscuter, homme à tout faire et cuisinier rencontré dans les prisons de Lleida, et de Charo, son amie, prostituée indépendante à Barcelone, pyromane allumant sa cheminée en toute saison avec un bon livre de sa bibliothèque...