mardi 8 mars 2016

absinthe. page 439. L'espoir

Un officier fit tourner le tambour de la porte avec un éclat de miroir à alouettes sur le jour de novembre, et entra :
- Le feu reprend partout. Ca vient par ici.
- On l'éteindra, dit une voix.
- Facile à dire ! Rue San-Magros, rue Martin de Los Hijos...
- Avenue Urqijo...
- L'hospice de San-Geronimo, l'hôpital San-Carlos, les maisons autour du Palace...
D'autres officiers entrèrent. Le tambour de la porte poussa dans le café une odeur de pierre brûlante.
- L'hôpital de la Croix-Rouge...
- Le marché San-Miguel...
- On a éteint déjà une partie. San-Carlos et San-Geronimo, c'est fini.
- Qu'est-ce qu'on entend ? Les antiaériens ?
- Garçon, une absinthe, dit le compagnon de Moreno, un chevelu ravagé.
- Je ne sais pas. Je ne crois pas.
- Ce sont des shrapnells, dit l'offcier entré le dernier. Sur la place d'Espagne, ça tombe tant que ça peut. Mais, à Guadarrama, ils ne passent pas.


André Malraux, L'espoir, Gallimard, collection Folio plus, 1996.



André Malraux (1901- 1976)
L'espoir paru en décembre 1937.