mercredi 1 décembre 2010

absinthe. page 131. Pietr-le-letton

Or, il se ravisa, reprit sa marche le long du trottoir et brusquement, pressant le pas, s'engagea dans la rue Washington.
Il y a là un bistrot comme on en trouve au coeur des quartiers les plus riches, destinés aux chauffeurs de taxis et aux gens de maison.
Pietr y pénétra. Le commissaire entra derrière lui, juste au moment où il commandait une imitation d'absinthe.
Il était debout devant le bar en fer à cheval qu'un garçon en tablier bleu épongeait de temps en temps d'un torchon sale.

Georges Simenon, Pietr-le-letton, Le livre de poche, 1970.

Infos et liens
Le livre est paru en 1931 chez Fayard. C'est un Maigret, mais ça vous l'aviez deviné.

Précisons que ce livre est son tout premier Maigret écrit sous patronyme. C'est le cinquième Maigret en librairie, mais le tout premier « Maigret-Simenon » à être présenté au public, sous forme de feuilleton dans « Ric et Rac » (juillet-août 1930)


Le Centre d'études Georges Simenon et le Fonds Simenon de l'Université de Liège
Tout Simenon

lundi 1 novembre 2010

absinthe. page 374. Manhattan transfer

Ils étaient arrivés devant une porte en sous-sol, obscure, protégée par un grillage serré : " Essayons.
- Est-ce que ça a sonné ?
- Je crois que oui. "
La porte intérieure s'ouvrit et une jeune fille en tablier rose les examina.
" Bonsoir, mademoiselle.
- Ah ! Bonsoir, monsieur, dame. "
Elle les introduisit dans un vestibule éclairé au gaz et qui sentait la cuisine. Des pardessus, des chapeaux, des cache-nez y étaient pendus. A travers les tentures de la porte, le restaurant leur soufflait à la face une haleine chaude de pain, de cocktails, de friture, de parfums, de bâtons de rouge, de bruit de voix.
"Je reconnais l'odeur d'absinthe... dit Ellen. Dis, prenons une bonne cuite ce soir.

John Dos Passos, Manhattan transfer, Le livre de poche, 1968.
(traduction Maurice-Edgar Coindreau)

Infos
Le livre est paru aux Etats-Unis en 1925 ; en France en 1928, publié par Gallimard.
Un prix porte le nom de Dos Passos depuis 1980, et est décerné par l'université de Longwood (état de Virginie). Page du
Dos Passos Prize for Literature.

vendredi 1 octobre 2010

absinthe. page 22. L'hôtel du nord

Lecouvreur avait noué un tablier bleu sur son ventre, retroussé ses manches de chemise, enfoncé sa casquette sur les yeux pour en imposer davantage. M. Goutay, près du comptoir, le mettait au courant. Ils inventoriaient les apéritifs : l'amourette, le junod, l'anis del oso qui remplacent l'absinthe d'avant-guerre ; le byrrh, le quinquina, le dubonnet, boissons inoffensives ; le vermouth, l'amer, le cinzano, et tant d'autres flacons dont l'éclat bariolé amusait l'oeil avant de tenter la soif.
Quittances en main, M. Goutay donnait des adresses de fournisseurs ; puis dans un verre à apéritif, avec de l'eau, il indiquait la proportion des "mélanges" ainsi que la façon de faire un "faux col", c'est-à-dire de ne pas remplir le verre jusqu'aux bords.

Eugène Dabit, L'hôtel du nord, Le livre de poche, 1959.

Un voyage en URSS qui se termine mal
En 1936, en pleine euphorie du Front Populaire en France, l’Union Soviétique reste un modèle politique, économique et social pour ces écrivains antifascistes. De nombreux écrivains font le voyage : André Gide, Louis Guilloux, Pierre Herbart, Jef Last et l'éditeur Jacques Schiffrin. Eugène Dabit en est aussi. Mais lui ne reviendra pas, emporté par la scarlatine, le 21 août 1936, à Sébastopol. Il allait avoir 38 ans.

mardi 27 juillet 2010

absinthe. page 301. Gabriela, girofle et cannelle

Cette nuit-là, Nacib rentra très tard, il avait eu des clients au bar jusqu'aux premières heures du jour. Autour du poète Argileu Palmeira s'était formé un grand cercle, après les séances de cinéma. Le chantre éminent avait dîné chez le Capitaine, fait encore quelques visites et vendu encore quelques exemplaires de Topazes. Il était enchanté d'Ilhéus. Ce cirque si misérable qu'il avait aperçu sur le port ne lui ferait pas concurrence. La conversation au bar avait duré tard dans la nuit. Le poète s'était révélé un vaillant buveur. Il qualifiait le tafia de "nectar des dieux" et d' "absinthe du cabocle". Ari Santos lui avait récité ses vers et s'était vu décerner les éloges du chantre éminent :
- Inspiration profonde. Forme correcte.


Jorge Amado, Gabriela, girofle et cannelle, Stock (traduit du brésilien par Georges Boisvert), 1971.
Jorge Amado
(1912-2001)

mardi 22 juin 2010

page 156. Les croix de bois

"Les débits devant fermer à une heure, nous payons Lucie, qui nous rend autant de sourires que de gros sous, et sortons. Sulphart veut nous entraîner au café Culdot, où, assure-t-il, on trouve de l'absinthe, en venant de la part du fourrier de la troisième. Par habitude, Lemoine dit que ça n'est pas vrai. Nous partons en flânant. Le village est maintenant presque désert. Il est interdit de quitter les cantonnements avant cinq heures et les quelques traînards qui musardent rasent les murs et tendent le cou, à chaque coin de rue, craignant de se jeter dans les gendarmes."

Roland Dorgelès, Les croix de bois, Le livre de poche, 1956.



Annexes :
Roland Dorgelès (1885-1973), engagé volontaire en 1914, a consacré d'autres œuvres à la Grande Guerre aux éditions Albin Michel : Le Cabaret de la belle femme (1920) ; Saint Magloire (1922) ; Le Réveil des morts (1923).
On peut lire également une correspondance de guerre, publiée sous le titre Je t’écris de la tranchée, reprenant deux cent soixante-dix lettres et cartes postales inédites, adressées pendant la guerre par Roland Dorgelès à différents membres de sa famille (Albin Michel, 2003).

dimanche 23 mai 2010

page 229. Johnny s'en va-t-en guerre

"Vive la bannière étoilée taraboum dié. Goûtes-y gamin c'est bon il y a des gars qui disent qu'il y a de l'alcool dedans mais ne crois pas un mot de ce qu'ils te racontent. Il y a des gars qui disent que cela vous dessèche un homme. C'est de l'absinthe laisse-la couler lentement dans ton verre c'est chouette. "Parley-vous parley-vous" oui monsieur non monsieur je me sens seul chérie où est cette voix américaine ? mon dieu si seulement je la trouvais. Où est Jack où est Bill où est John ? Partis tous partis. Partis dans l'ouest."

Dalton Trumbo, Johnny s'en va-t-en guerre, Actes Sud/Babel, 1987.

vendredi 23 avril 2010

page 240. Le goûter des généraux

Mère : Vous me dissimulez quelque chose, Audubon.

(elle renifle)

Venez ici.

(il s'approche)

Soufflez.

(il soufflote)

Plus fort.

(il lui fait Ha au nez)

Oh ! Quelle horreur.

(elle le gifle à tour de bras)

Mais vous avez bu ! Vous empestez l'absinthe.

Audubon (pleurniche) : Maman, je ne voulais pas... C'est Plantin !...

Mère : Plantin ? Vous connaissez un Plantin, vous ?

Audubon : Léon Plantin, le Président du Conseil...

Mère : Sa fonction n'est pas une excuse à vos fréquentations ! Son nom pue le roture.

Audubon : C'est lui qu'est venu, tout à l'heure, et il m'a fait boire, il m'a presque forcé , et puis il m'a obligé à faire la guerre.



Boris Vian, Le goûter des généraux, 10/18, 1981.

mercredi 24 mars 2010

page 48. Souviens-toi de Lisbonne

"Protégé par le bois du comptoir noirci par la fumée, brillant comme la réglisse, je me perdais dans les miroirs piqués par le temps, sur lesquels dansait comme dans un poème de Paul-Jean Toulet une femme, l'absinthe, égérie rouge de la Belle Époque. Avant, j'avais longuement regardé le goutte à goutte de l'eau filtrée par le sucre qui éclaircissait l'or jaune, boueux que les orpailleurs de bars recherchent tant. L'absinthe épaisse comme le sang me transportait à tes côtés. Et à l'aube, les rues étroites, les rideaux de fer semblaient se rejeter l'un contre l'autre la faute de m'avoir fait trop boire, de ne pas avoir su te garder."



Olivier Frébourg, Souviens-toi de Lisbonne, La Table Ronde, 1998.

Annexes :
Olivier Frébourg est né en 1965 à Dieppe Il a été directeur littéraire aux Éditions de La Table Ronde de 1992 à 2002 avant de fonder sa propre maison : les Éditions des Équateurs, maison tournée vers le voyage.
Un entretien avec l'écrivain sur ZeStory.com.

jeudi 25 février 2010

page 10. Vie de Joseph Roulin

"Dans le peu qu'en écrit Van Gogh, il est clair que l'autre était alcoolique et républicain, c'est-à-dire qu'il se disait et croyait républicain et était alcoolique, avec une affectation d'athéisme que l'absinthe exaltait ; qu'il était fort en gueule et bon bougre, et de cela sa conduite fraternelle envers le malheureux peintre fait foi."

Pierre Michon, Vie de Joseph Roulin, Verdier, 1988.



Annexes :
dossier sur Pierre Michon sur le site de l'association Initiales, groupement de libraires.

présentation et liens sur l'auteur sur le site des éditions Verdier.