mercredi 24 juin 2015

absinthe. page 177. La fiancée du cinéma

     Les Californiens me firent part de leur souci écologique et de leurs idées sur la santé.
     D"abord, il ne faut pas polluer. Nous avons tous essayé les drogues dures et l'alcool, c'est mauvais. Par contre, l'herbe  c'est très bien. La nicotine de vos cigarettes est bien plus nocive qu'un joint. Et puis, tu cours. Il faut courir, se maîtriser, faire du yoga.
     Avec mon paquet de Gitanes à la main, j'avais vraiment l'impression de ressembler au héros misérabiliste qui se soûle à l'absinthe.
     Ma dernière nuit à Frisco me valut un spectacle d'un beau lyrisme décadent. Margot m'invite à un bal organisé par "Coyotte". Il est difficile de s'imaginer en France ce que peuvent être les fêtes qui oscillent toujours entre le voyeurisme, le happening, le psychodrame et l'exorcisme.
     Dans une grande salle tendue de glaces et de soieries était réunie la plus belle galerie de personnages baroques et fous. De quoi rendre Fellini impuissant à réaliser des films après un tel spectacle. Dans le vertige des décibels électroniques dus à Ralph Baski (l'heureux auteur de Fritz the Cat), il était possible de faire l'inventaire des plus beaux prototypes des nuits de Frisco. Des nuits électriques s'entend. Travestis, homosexuels, lesbiennes, nymphomanes ou tout simplement sympathisants se croisaient, graciles, patauds et initiés.

Bernadette Lafont, avec la collaboration de Alain Lacombe, Ramsay poche cinéma, 1978.





Bernadette Lafont (1938-2013), 
ici prise en photo au Festival de Cannes en 1979.