dimanche 19 novembre 2017

absinthe. page 16. Poisons

     Il n'y a pas si longtemps, nous passions encore devant des jeux d massacre où s'alignaient des têtes de buveurs violents que la photo avait encore dramatisées : gaillards aux yeux de tigre qui se mangeaient les rides, présidents Kruger de cauchemars bleus, vieilles gardeuses de chiens dont les paupières tombaient dans les narines, bouchers gonflaient comme des pneumatiques, pieuvres humaines, congres de foires et autres masques d'ivrognes accompagnés de coeurs d'alcooliques pareils à des sacs de pommes de terre, souvent à des foies qui évoquaient le chapeau du petit Caporal. Il y a une quarantaine d'années, la presse parisienne publiait même ce qu'elle appelait le budget d'un ouverrerier :
3 Gouttes...........................0,30
Café, eau-de-vie................0,55
2 Absinthes........................0,50
2 Amers Picon...................0,50
Omelette, pain, fromage....1,10
Boisson, café, eau-de-vie...0,75
2 Absinthes, 2 verres.........1,00
     Suivait le cri d'alarme : 
     "Il n'y a ni un jour ni une heure à perdre. L'ennemi n'est pas seulement à nos portes, il n'est pas seulement dans nos murs, il est en nous, et nous le portons dans nos veines. Si nous ne faisons pas immédiatement un énergique et commun effort pour l'expulser, c'est lui qui aura raison de nous. 
     Le problème se pose dans les termes d'un dilemme inéluctable : ou bien la France emploiera pour combattre l'alcoolisme les moyens les plus puissants, ou bien, comme race et comme nation, la France disparaîtra."

Léon-Paul Fargue, Poisons, Le Temps qu'il fait, Cognac, 1992.


Léon-Paul Fargue (1876-1947)
(photo trouvé sur le site paris secret et insolite de même que le lien vers les amis de L.-P. Fargue)

ps 1 : le terme apparait encore page 19, puis page 39.
ps 2 : le texte est publié en 1946 en 220 exemplaires.

lundi 10 juillet 2017

absinthe. page 396. Une femme seule

Ils avaient des projets ensemble désormais. Francis attendait que sa demande de mutation à la section de recherches de Dijon soit officiellement acceptée. MArianne, de son côté, voulait quitter la région et acheter une propriété. Ce serait donc en Bourgogne. Elle avait déjà repéré un relais équestre, dans une vallée vallonnée et verdoyante, où ses chevaux, Joyce et Siddy, pourraient se sentir à leur aise. Alambra était mort un des premiers jours du printemps, un jour de pluie triste comme un dimanche de Toussaint.
Francis se surprenait à croire qu'il pourrait maintenir cette femme dans la perspective d'une vie plus douce. Et qu'elle retrouverait le goût d'écrire.
- Allez, quoi... Racontez-moi ! supplia Sylvie d'un ton amusé, en débouchant une bouteille d'absinthe rapportée de son dernier voyage en Espagne.

Marie Vindy, Une femme seule, Fayard noir, 2012.





Marie Vindy, née en 1972.
actualités sur le site de l'écrivaine : marievindy.overblog.com