mardi 25 août 2015

absinthe. page 67. La guerre civile en France

     Pour trouver un parallèle à la conduite de Thiers et de ses limiers, il nous faut remonter aux temps de Sylla et des triumvirats de Rome. Même carnage en gros de sang-froid, même insouciance dans le massacre, de l'âge et du sexe ; même système de torturer les prisonniers ; mêmes proscriptions, mais cette fois d'une classe entière ; même chasse sauvage aux chefs cachés, de peur qu'un seul puisse échapper, mêmes dénonciations d'ennemis politiques et privés ; même détachement envers la boucherie, de gens entièrement étrangers à la querelle. Il n'y a que cette seule différence que les Romains n'avaient pas de mitrailleuses pour expédier en bloc les proscrits et qu'ils n'avaient pas "la loi à la main", ni, sur les lèvres, le mot d'ordre de la "civilisation".
     Et, après ces horreurs, regardez l'autre face, encore plus hideuse, de cette civilisation bourgeoise, telle qu'elle a été décrité par sa propre presse !

     Avec des coups de feu égarés, écrit le correspondant de Paris d'un journal tory de Londres, qui retentissent encore au loin, quand de malheureux blessés abandonnés meurent parmi les pierres tombales du Père-Lachaise, quand 6000 insurgés frappés de terreur qui errent dans l'agonie du désespoir par les labyrinthes des catacombes, quand des malheureux sont précipités à travers les tues pour être abattus par vingtaines par la mitrailleuse, il est révoltant de voir les café remplis des dévots de l'absinthe, du billard et des dominos ; la dissipation féminine qui circule à travers les boulevards et, troublant la nuit, le bruit de la bombance s'échappant des cabinets particuliers des restaurants à la mode.

Karl Marx, La guerre civile en France 1871, Editions Sociales, 1946. 
(nom du traducteur non précisé)



Karl Marx (1818 - 1883)