Une vingtaine de personnes s'entassaient dans la petite salle carrelée envahie par la fumée du tabac. Le bruit était assourdissant, car chacun s'égosillait pour se faire entendre ou s'évertuait à pousser la goualante. On n'entendait, durant un certain temps, qu'un brouhaha indistinct, puis tout à coup les voix s'unissaient pour entonner un refrain connu - La Marseillaise, L'Internationale, La Madelon ou Les Fraises et les framboises. Azaya une grosse paysanne lourdasse qui travaillait quatorze heures par jour dans une verrerie, chantait quelque chose comme "Il a perdu ses pantalons, tout en dansant le charleston". Et son amie Marinette, une petite Corse noiraude farouchement attachée à sa vertu, entamait une danse du ventre, les genoux obstinément serrés. Les époux Rougier allaient et venaient, essayant de resquiller un verre et de placer une histoire longue et embrouillée à propos d'un lit qu'on leur avait volé un jour. R..., cadavérique et muet, restait dans son coin à s'imbiber méthodiquement. Charlie, fin saoul, évoluait à travers la salle d'un pas moitié dansant moitié titubant, un verre de pseudo-absinthe dans sa main grasse, pinçant la poitrine de femmes et déclamant de la poésie.
George Orwell, Dans la dèche à Paris et à Londres, 10/18, 2001.
(traduit de l'anglais par Michel Pétris)
C'est entre 1927 et 1930 que celui qui s'appelle encore Eric Blair explore les bas-fonds londoniens et vit à Paris (pour y écrire).
Le livre est paru en 1933 sous le nom de George Orwell.
(première traduction française sous le titre La vache enragée en 1935 aux éditions Gallimard).
Le livre est paru en 1933 sous le nom de George Orwell.
(première traduction française sous le titre La vache enragée en 1935 aux éditions Gallimard).