Vu l'austérité dans laquelle vit l'Angleterre de 1946, la facture du repas, que paie Orwell, est salée (un peu plus de six livres), et je me sens obligé de contribuer d'une façon ou d'une autre de contribuer à cette célébration de la bonne fortune de mon ami. J'aimerais lui offrir une petite gâterie, et je me souviens qu'un pub de Soho, le Dog and Duck, a mystérieusement fait l'acquisition d'un petit stock d'absinthe. Nous traversons donc Oxford Street et prenons place dans le bar minuscule, bondé de buveurs de bière s'empressant d'engloutir leurs pintes avant la fermeture. A travers un cube de sucre posé sur une cuillère, la barmaid verse de l'eau goutte à goutte dans le liquide, qui devient laiteux. Devant la curiosité de certains clients, elle se fend d'une explication détaillée et embarrassante, ponctuant son propos de remarques désobligeantes concernant les gens qui gaspillent leur argent précieux en frivolités. A Londres, les dépenses extravagantes sont alors encore mal vues, et nous remarquons que les habitués du Dog and Duck nous lancent des regards désapprobateurs.
George Woodcock, Orwell à sa guise, Lux, 2020. (traduction de Nicolas Calvé)
George Woodcock (1912-1995)
Livre paru en 1966, sous le titre "The Crystal spirit". George Woodcock rencontra Orwell (décédé au début de l'année 1950) vers la fin de l'année 1942. Relation qui évolua vers l'amitié.
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